J'avais
dix ans,
Et le monde me semblait grand,
De grandes personnes me disaient, mon enfant,
Tu verras lorsque tu seras grand,
Le monde n'est pas si grand,
Ni fait de grandes gens,
Juste de gens,
Qui naissent et meurent en peu de temps.
J'avais vingt ans,
Et il me semblait avoir le temps,
De voir la vie autrement,
Mais vingt ans je pensais avoir le temps,
Alors les projets avaient bien le temps.
J'avais trente ans et toujours battant,
Le travail quelques fois manquant,
Je courais après l'argent,
Amoureux rougissants,
Sans crier gare au tournant,
Voilà mes descendants,
Dehors ou bien dedans,
Nos chers enfants, cela fait quarante ans.
J'avais quarante ans et encore souriant,
Courage et énergie débordants,
Je prenais la vie à pleines dents,
Les projets avançaient doucement,
On partageait nos vies de parents,
Soleil couchant soleil levant,
Ascendants et descendants,
Dans l'espoir que cela dure longtemps.
J'avais cinquante ans, les cheveux grisonnants,
Les enfants étaient grands,
Moi veillissant,
Je sentais l'âge prendre les devants,
Je prenais plus le temps,
Peut-être pour m'imaginer le temps en
suspens.
J'avais soixante ans,
Et j'étais toujours présent,
Déjà certains avaient pris les
devants,
Mon amour m'abandonnant,
Je pensais pourtant lui passer devant.
J'ai soixante dix ans,
Et il n'y a pas si longtemps,
Je disais à mes petits enfants
vous verrez lorsque vous serez grands,
Le monde n'est pas si grand,
Ni fait de grandes gens,
Juste de gens,
Qui naissent et courent après le temps.