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L’arme
à l’œil.
Comment se procurer un flingue ?
C’est
une question que des milliers de gens devaient se
poser quotidiennement dans le pays. Il y avait tant
de symboles de domination et de pouvoir dans cet assemblage
de métal que tous le monde était obligé
d’y voir, un jour ou l’autre, la solution
à quantité de problèmes. La réponse
à ces frustrations insupportables qu’un
simple déclic solutionnait définitivement.
L’accès à la puissance confisqué
par la Société et délégué
à la police.
Combien
d’entre eux franchissaient la limite. Quel était
le nombre de personnes qui commençaient et
finissait une démarche pour se procurer une
arme. Pas dans le milieu interlope. Mais chez des
braves gens tellement écrasés par des
situations qui les dépassaient. Et que l’ordre
public leur ordonnait de supporter stoïquement.
En contre partie de quelques mises en scène
dénommée « Justice » et
qui ne résolvait rien. Voire, aggravait leur
situation.
Pour
l’instant, il avait deux pistes : Robledo et
Christian. Le premier était tellement difficile
à joindre. Il l’avait évoqué
le premier et ne voyait aucune difficulté à
s’en procurer. Juste une question d’organisation
et un prix : mille Euros.
Christian
paraissait moins fiable. Qu’est ce que c’était
cette pétoire dont il avait parlé ?
Il n’avait même plus le nom en tête.
Et puis depuis cinquante ans ? Dans quel état
devait-il être ? C’était un gros
risque
Finalement,
lassé de jouer à cache-cache avec Robledo,
il se concentra sur Christian. C’était
le plus accessible et en avait le plus grand besoin.
Il avait déjà évoqué le
sujet avec le cardiaque démunis. Mais cela
n’en était resté qu’au stade
de la discussion de comptoir de café. Plein
de cette arrogance faite de mots creux, rien que du
superficiel sans suite. La question était de
savoir s’il aurait le cran d’aller jusqu’au
bout ? Et surtout s’il possédait réellement
l’objet dont-il avait évoqué l’existence.
Ces besoins financiers étaient tels qu’une
somme bien rondelette déverrouille beaucoup
d’inhibitions.
Cette
discussion s’était déroulée
dans le patio du foyer où ils avaient l’habitude
de prendre un thé à la menthe sur les
tables en plastique. Cédric confiait son dépit
après les évolutions défavorables
de ses dossiers.
- Ça ne peut que mal tourner cette affaire,
conclut Cédric d’un air abattu !
- Bah, s’il te faut un flingue, tu n’auras
qu’à me demander !
- Dis pas ça, Christian, sourit-il, pense à
ton cœur !
- Laisse mon cœur tranquille ! La meilleure chose
qui puisse lui arrivé à mon palpitant
c’est de sentir une paire de billets de cent
à côté de lui !
- Oui, vu comme cela, il y a un côté
thérapeutique ! On peut te le prescrire les
yeux fermés.
- De toute façon, il n’y a pas plus allopathique
qu’un bon calibre !
- Allo-quoi fit Cédric interrogateur ?
- Allopathique ! C’est une manière de
soigner les gens par le bruit ! Ça été
mit au point par un américain, Bell, je crois
!
- Qu’est-ce que tu me racontes rigola-t-il !
En après un silence ou l’un tournait
le sucre dans sa tasse, le cardiaque repris :
- Sérieusement, si tu as besoin d’un
engin, je dois encore avoir cela dans mes affaires.
Question d’archéologie ! Mais il n’est
pas très profondément enterré.
J’ai failli en avoir besoin l’an passé.
- Qu’est-ce que c’est comme mécanique
?
- Un Walther P38 d’une bonne précision
et impeccablement conservé, huilé et
emballé. Huit coups en 9 millimètres,
semi automatique d’environ une vingtaine de
centimètre de long !
- Ah bon, émit Cédric stupéfait
!
- Ouais, récupéré sur un officier
Allemand dézinguer en aout 44 ! Et j’ai
une boite d’une centaine de balles avec qui
coute dans les 50 Euros.
- Pour s’entrainer sur les pigeons ?
- Oui, sur le Champ de Mars ! Juste en face de l’école
militaire ! C’est l’idéal !
Ils rigolèrent doucement.
- Et combien ça vaudrait tout cela ?
- Sept cents m’arrangeraient bien ces temps-ci.
- Hum ! C’est tentant ! Au fait, il est à
quel nom rajouta le demandeur pour exciter son fournisseur
?
Christian haussa les épaules d’un air
lassé pour éluder la plaisanterie.
- Et bien tu vois et tu me dis ! Mais pas l’année
prochaine, hein ?
Depuis
tellement de temps, les barrières restaient
fermées devant les intentions de Cédric,
qu’il fut surpris d’une telle facilité.
A chaque fois, pour obtenir un résultat plus
ou moins complet à la moindre requête,
c’était au prix d’efforts démesurés,
de négociations sordides, de passes droits
nauséabonds…Mais, aujourd’hui,
cela semblait tellement facile ! Son premier réflexe
fut la méfiance.
Puis
réfléchissant sur l’offre de Christian,
sur sa situation qui imposait une réelle sincérité,
il se dit qu’il n’y avait peut-être
pas de pièges. Et qu’en tout cas, s’était
mieux de faire profiter cet homme de valeur qu’un
malfrat de banlieue ou un drogué en manque.
Il se décida et appela Calixte pour qu’il
lui envoi l’argent. Avec les économies
réalisées ces derniers temps par ses
villégiatures sociales ou hospitalières,
il avait à peu près la somme sur son
compte. Disons qu’avec le versement de la prochaine
allocation, cela ne poserait pas de problème.
Et Calixte fit la jointure en lui envoyant par mandat
la somme demandée.
Une
semaine après, le mandat encaissé, Cédric
attendit que le patio se déserte pour reprendre
la conversation :
- J’ai le montant !
Après un moment de silence d’une lourdeur
de plomb, Christian reprit :
- Pour l’artillerie ?
- Et les munitions !
Il sourit. N’y croyant qu’à moitié,
il n’osait imaginer résoudre ses problèmes
aussi rapidement et simplement :
- Bon ! Je l’ai aperçut dans un de mes
cartons depuis que l’on en a parlé. Il
n’y a pas de problèmes. Il fonctionne
impeccablement…
- Tu l’as essayé, plaisanta Cédric
?
- Oui, évidemment ! Sur un flic !
- Ah ! Un seul ! Tu deviens modeste, Christian.
- Que veux-tu, c’est l’âge ! Bon,
faudrait trouver un endroit discret pour la livraison.
On ne va pas faire cela ici, quand-même !
- Non, bien-sur !
- Mais j’ai mon idée là-dessus.
L’idéal c’est une église
! Il y a de moins en moins de monde !
- Oui, puis nous avons la gueule à fréquenter
les paroisses, ricana Cédric !
- Comment, Monsieur, fit Christian sur son ton indigné.
Moi, je vais régulièrement à
l’église !
Et après une pose pour ménager son effet
:
- Pour écouter gratuitement des concerts de
musique classique !
Cédric Rigola :
- Ha, oui, j’oubliai ! Et puis les visites historiques…
Et tout le reste… En fait, tu passes ton temps
dans les églises, Christian !
- Tout à fait ! Même si je suis athée
! Bon, je te dirais où ce soir et peut-être
que demain matin l’on pourra faire ça
!
Christian
s’était décidé pour l’église
Ste Marguerite dans le 11ème arrondissement,
rue, St-Bernard, au numéro 36. Tout un programme,
rien que du point de vue canonisation, si l’on
peut s’exprimer ainsi. Une église située
à égale distance de deux-trois stations
de métro. Qui obligeait à marcher et
en zig-zig parce que la rue se prolongeait en décalage
d’un carrefour. Donc, tout ce qu’il fallait
pour se perdre, même avec un St-Bernard. Cédric
n’avait pas le choix devant cette drôle
idée du cardiaque. Et qui n’avait pas
l’avantage de se situer près de son dépôt,
quoi qu’il en ait partout dans Paris
Cédric
y arriva comme convenu vers onze heures. Il tenait
à la main un petit sac de la Fnac qui était
le signal. Encore une exigence de Christian qui devait
lire beaucoup de roman d’espionnage ces derniers
temps. L’église blanche, constituée
de nombreux rajouts dans tous les styles qui finissaient
par lui donner une impression de grandeur. Avec de
larges espaces abrités de grands arbres derrière
une grille, un cimetière autour ou du moins
quelque pierre tombale qui lui donnait une allure
d’église de campagne. Malgré tout
peu de recoin pour vraiment dissimuler une rencontre.
L’intérieur composé de plusieurs
larges chapelles meublées de rangées
de chaises. Impossible de s’isoler ou d’y
faire une rencontre discrète. A peine à
l’intérieur, il repéra du premier
coup d’œil son rendez-vous, assis sur le
côté.
Il
le rejoignit en faisant le tour par un semblant de
déambulatoire. Et alla s’assoir une rangée
derrière Christian près d’un pilier
dans un angle presque mort. Après un moment
de recueillement immobile, Cédric vérifia
d’un coup d’œil circulaire que personne
ne les observait, et murmura vers son complice :
- Alors ?
- J’ai acheté un cinéraire maritime
pour fleurir la tombe de ce malheureux Louis 17.
- Quoi, tu ne l’as pas ?
- Monsieur, en prenant un ton péremptoire,
on n’entre pas avec une arme dans une église
! Il n’y a que les peuplades asiatiques pour
profaner un lieu sacré comme celui-ci ! J’ai
posé la plante légèrement sur
le côté de la tombe.
- Mais je rêve ? Qu’est ce que c’est
que cette histoire ?
- Et bien c’est l’Histoire de France,
Monsieur !
- Attends, un peu de sérieux, Christian, fit-il
en s’empêchant de hausser le ton !
- Il n’y a pas plus sérieux que moi,
la mission est remplie ! Ça va devenir de l’histoire,
maintenant !
- Quoi, qu’est ce que tu me raconte ? L’histoire
de France, l’histoire de France ? Attends, moi,
je viens te payer un flingue, j’ai le fric,
là, lui montrant le sachet de la Fnac, et toi
tu m’emmènes en pèlerinage !
- Écoute c’est le seul endroit adéquat
que j’ai trouvé ? Mois je suis un admirateur
de louis 17 et de la révolution et je suis
venu me recueillir sur la tombe de l’enfant
du temple, Monsieur !
Cédric était ébahit du discours
de son ami. Il le regardait fixement pour guetter
sur son visage un air de moquerie ou un indice qui
mettraient un terme à cette plaisanterie
- Non, mais ca va pas ! Qu’est que tu me raconte
? Tu as bu, Christian ou quoi ?
- Comment, ah pas du tout, je suis très sérieux
: Et est-ce que j’ai une gueule à boire,
hein ?
- Mais, as-tu le flingue ou non ?
- J’ai déposé mon P38 sur la tombe
de Louis 17 dans un cinéraire ! Donne-moi le
fric ! J’ai plus un rond après avoir
acheté la fleur !
- Non, tu as bu ou c’est tes médicaments
! Je veux voir ça !
- A mais quand tu veux, dit-il en se levant ! Je croyais
que tu voulais un rendez vous discret mais l’on
y va tout de suite ? Avant fait moi voir le fric !
- Pas de problème, il ouvre le sachet de la
Fnac contenant un livre et entre 7 pages, les 700
euros.
Christian attrapa le bouquin en faisant attention
de ne pas laisser tomber les billets et considéra
son titre :
- Ah, tient « L’arme à l’œil
» de Ken Follet ! Excellent, monsieur fait de
l’humour !
- Durant une autre occasion je t’aurai confié
que j’ai bien aimé l’assassinat
de la vieille. Mais, je t’en pris, Christian,
c’est sérieux ?
- Oui, c’est sérieux, cher Monsieur et
revenons à nos affaires. Donc, je vous assure
que selon les études qui ont été
faites, le jeune prince né à Versailles
en 1785, d’abord Duc de Normandie, puis Dauphin
de France à été ou aurait été
enterré en juin 1795 dans un petit caveau de
cette église. Puis, plusieurs fois transféré,
exhumé, étudié… Bref, qu’on
le laisse reposer en paix ce pauvre enfant martyr,
haussa-t-il le ton ! Et si vous voulez bien me suivre,
vous aller pouvoir vous recueillir sur la tombe de
cette victime de la révolution, hélas
!
- Putain, Christian … laissa échapper
Cédric ce qui se demandait si l’autre
n’allait pas lui retracer toute la généalogie
des Capétiens.
- Monsieur, nous sommes dans une église, s’il
vous plait, fit-il d’un air indigné !
- Oui, c’est ça, c’est ça
!
Ils sortirent doucement, l’un en effectuant
une génuflexion bien révérencieuse
puis longèrent discrètement les murs
avant de se signer au bénitier. Dehors, Christian
s’approcha de Cédric !
- Maintenant que nous avons fait connaissance, il
ne nous reste plus qu’à nous rendre sur
la tombe et à récupérer mon «
bâton de justice » avant qu’un autre
ne s’en occupe !
- Tu es unique Christian ! Je t’avais dit une
rencontre sans contact et un endroit discret !
- Bah !
- Oui, bah ! Pourquoi pas Notre Dame de Paris pendant
que l’on y est ?
- Parce qu’il y a trop de touristes avec leurs
appareils photo! Tandis qu’ici, c’est
presque désert et toute cette symbolique !
En plus, n’importe quel juge ou inspecteur normalement
doter admettra que je t’ai fait visiter l’église
Ste Marguerite comme je t’ai emmené devant
tout le monde à la conciergerie, au Louvre,
à…
- Ouais, ouais… T’as raison fit-il, d’un
ton irrité en marchant lentement à ces
côtés !
Ils
circulèrent le plus naturellement du monde
le long des tombes en s’engueulant les dents
serré et souriant pour ne pas révéler
leur discorde.
- De toute façon, l’on n’est même
pas sûr qu’il s’agisse du véritable
louis 17 ! J’me suis renseigné moi-aussi
!
- Comment, Monsieur ! Les travaux de Jean Favier,
les déclarations du fossoyeur Valentin, Decouflet,
de l’abbé Haumet, le commissaire Dussert
et maître i…
- Ah, s’il y avait un commissaire et un avocat
dans l’affaire, plus aucun doute n’est
permis persiffla Cédric !
- Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre
pour gagner sept cents Euros soupira le cardiaque
!
- Tu vas voir ton palpitant si tu m’as roulé
! Tu pourras jouer au foot avec !
Se
dirigeant vers un mur par une petite allée
recouverte, ça et là, de feuilles mortes,
entre des arbustes, une petite pierre tombale apparue.
Une petite croix de pierre en relief sur le mur un
peu disproportionnée et grossièrement
taillée la surmontait. Et cette étrange
tombe de forme carrée d’environ un mètre
de côté, haute d’une quarantaine
de centimètre qui semblait la supporter. Une
inscription sur la face : "LX VII 1785-1795".
Cédric
n’en croyait pas ses yeux.
- Voilà, cher Monsieur, la pauvre tombe du
jeune prince que je suis venu fleurir ce matin
- Christian, s’il te plait…
Et il s’agenouilla devant, invitant Cédric
à en faire autant à ces côté
juste en face du cinéraire touffu.
Cédric
Mis un genou à terre en regardant la plante
et vit camouflé au milieu, un gros morceau
de tissus qui pouvait bien avoir la dimension d’une
arme.
- Sur ce, cher, monsieur, je vous laisse vous recueillir.
- Ouais, c’est ça !
- J’emprunte juste votre livre et vous laisse
le sac pour que vous puissiez mettre les fleurs dedans,
fit-il en souriant, fier de son trait d’humour
!
- C’est ça ! Tu vas voir si tu m’as
roulé !
- Allons ! Cédric ! Un gars comme moi et sur
la tombe d’un prince ! Reprend toi et tu verras
que tout va se passer comme tu le souhaites. Mets
le tissu dans le sac après que je sois parti
et prend une autre direction.
Christian
donnait des ordres, maintenant ! Où allions-nous
? Enfin, au point où en était l’affaire,
il n’y avait plus qu’à s’exécuter.
Cédric attendit que Christian se soit éloigné
pour saisir discrètement le paquet. Il le mit
sous son blouson de cuir entre-ouvert et d’une
main, à l’abri des regards, commença
à déplier le tissu. Cela avait bien
les dimensions, la forme et le poids d’une arme.
Encore un tour et apparu l’aspect mat du P38
impeccablement emballé dans sa pièce
de tissus gras. Il fit manœuvre l’engin
qui répondit comme s’il avait été
fabriqué la semaine dernière.
A
genou devant le tombeau de Louis 17, Cédric
était armé !
Eric
Legroux alias Moeglen - texte original non corrigé
(si vous souhaitez contacter cet auteur, merci de
me joindre par le formulaire
de contact, je vous mettrai en relations. Corinne
Duval)
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