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L'étrange don d'Anaïs C.
Extrait du livre de Justine Mérieau avec son aimable autorisation.
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www.merieau.fr

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... Le lendemain matin, Anaïs C. ne s'était jamais réveillée se sentant aussi bien, d'aussi excellente humeur… Pourtant, il était à peine sept heures et une aide-soignante venait de la réveiller en lui apportant son petit-déjeuner sur l'une des tables roulantes ; ce qu'en temps ordinaire elle ne supportait pas, elle qui n'était pas matinale. Et qui, surtout, n'avait jamais faim à pareille heure… Mais à côté d'elle, il y avait la charmante madame de Lestrac qui lui disait bonjour en la gratifiant d'un chaleureux sourire. Et surtout, de l'autre côté, un peu plus loin, son beau médecin ou infirmier, qu'elle pouvait apercevoir en train de boire, sans doute un café, assis à la table… Elle se troubla soudain, réalisant que son nouveau don allait la rendre indiscrète. Voyant à travers les murs, elle pourrait surprendre les gens dans leur plus stricte intimité… Elle aurait sans doute pu apercevoir cet homme, là-bas, tout nu, si elle s'était réveillée encore un peu plus tôt ! Mon Dieu !... Elle allait devenir voyeuse, bien malgré elle… Elle, si pudique ! Elle n'avait pas pensé à cela… C'était le comble de l'horreur ! Au surplus, puisqu'à présent pour elle les murs n'existaient pas, la lumière du jour qui la gênait beaucoup le matin, raison pour laquelle elle faisait en sorte que volets et rideaux soient toujours bien fermés, allait sans doute la réveiller brutalement aux aurores… Et le soleil encore davantage, lorsqu'il y en aurait… Mon Dieu ! Encore autre chose… Elle non plus, n'aurait d'intimité… même dans sa chambre ! Puisqu'à présent, il lui semblerait être en pleine rue et qu'on pourrait la voir dans son lit ! Puisque sa chambre donnait directement côté circulation… Et puis, ses voisins, le couple d'amoureux ? Voilà que maintenant, elle les verrait évoluer comme s'ils se trouvaient dans sa chambre !... Plus aucune tranquillité, même si elle ne pouvait les entendre et qu'ils ne pouvaient la voir… Les apercevoir malgré elle, sans qu'ils ne le sachent, serait déjà une gêne suffisante…
Elle aurait sans cesse la pénible impression d'être vue de tous côtés…
Ayant réalisé tout cela, son humeur s'assombrit soudainement. Il faudrait absolument qu'elle trouvât quelques remèdes à tout ceci… Elle ne savait pas encore comment, mais il y aurait bien quelques solutions.
Déjà, pour commencer, une fois chez elle, elle pourrait déplacer son lit dans un autre coin de sa chambre, sous sa fenêtre, par exemple, de façon à ne pas voir dans la rue ; ou encore, là où le soleil ne pénètrerait pas trop, sauf quand elle en aurait envie, ce qui pouvait être intéressant finalement, pour quelqu'un qui aimait les bains de soleil… Mais, peut-être qu'après tout, concernant le soleil et la lumière, ceux-ci ne pénètreraient pas dans les pièces ? Puisque même si les murs lui étaient inexistants, ils n'en étaient pas moins réellement là ?... La preuve, pour s'en assurer, elle avait touché celui qui était derrière sa tête de lit, et si ses yeux voyaient également au travers, ses mains, quant à elles, avaient parfaitement senti la masse dure recouverte de peinture laquée du mur… Alors, peut-être les murs n'étaient-ils devenus pour elle que des sortes de miroirs sans tain, jouant un peu le même rôle, même si elle ne pouvait ni les distinguer ni s'y contempler ?... Qui lui permettaient donc ainsi de voir à travers sans être vue, tout en ne laissant pas pénétrer le jour et encore moins le soleil ?... Aujourd'hui étant un jour sombre, sans soleil du tout, avec un ciel plutôt gris et bas, elle n'avait pu s'en rendre compte. Dès qu’elle serait chez elle, elle verrait bien…
Elle fut tirée de sa rêverie par madame de Lestrac :
— Alors, dites-moi, ma chère enfant… vous allez nous quitter dans peu de temps, sans doute ? Comment vous sentez-vous, à présent ?…
Mais je vois que vous paraissez apprécier ce qu'on vous a servi… C'est très bon signe ! Anaïs prenait en effet son petit-déjeuner avec beaucoup d'appétit. Un appétit qui l'étonna elle-même, mais qu'elle jugea comme étant la conséquence d'un estomac resté vide depuis la veille, donc maltraité et criant maintenant famine. Elle répondit qu'elle se sentait suffisamment bien pour pouvoir rentrer chez elle ce jour et qu'elle attendait la visite du docteur qui devait l'y autoriser. Elle partirait ensuite dès qu'elle serait prête. Dans la matinée, ainsi qu’elle l’espérait… Puis elle ajouta :
— Vous savez, madame de Lestrac, j'ai eu beaucoup de plaisir et de réconfort en trouvant à mon réveil une personne telle que vous… Je suis ravie d'avoir fait votre connaissance et j'espère bien qu'on se reverra. D'autant plus que je suis là, moi aussi, pour la même raison que vous-même…
Je vous en parlerai, si vous le désirez toujours, mais en dehors d'ici. Et si vous le voulez bien, madame, nous pourrions échanger nos adresses… Dès que je serai complètement rétablie, je souhaiterais vous inviter à déjeuner. Je ne cuisine pas trop mal ! Ainsi pourrions-nous mieux faire connaissance que dans un hôpital… Mais surtout, madame de Lestrac, maintenant, plus de bêtises, n'est-ce pas ? J'aimerais beaucoup que nous devenions amies… Je suis certaine que nous avons des points communs. Vous semblez bien seule, je le suis aussi. Nous pourrions nous remonter le moral ensemble… Promettez-moi !
Personnellement, je n'ai plus envie de recommencer. Et soyez certaine que je vous appellerai. Au plus tard dans deux ou trois jours… À moins que vous ne restiez ici encore quelque temps ?
— Non, non ! Je rentre chez moi demain… Ah ! Mon petit… Je suis si heureuse que vous me parliez ainsi ! Car, savez-vous ? Votre arrivée dans cette chambre, bien que m’attristant, m'a enchantée immédiatement !
Parce que c’est si vrai que les gens ont parfois, sans se connaître, des affinités ne sachant pourquoi avec d'autres ! De ces « affinités électives » dont parle si bien Goethe…
Quoi que souvent, hélas, ce ne soit pas toujours réciproque ! D'ailleurs, il m'est arrivé de temps en temps, soit que quelqu'un fût attiré par moi, alors que cette personne ne m'intéressait pas, soit que je fusse attirée par quelqu'un qui ne me témoignait que froide indifférence… Ce qui, là, m'affectait profondément : ne pas être appréciée de la personne qui vous plaît, se heurter à son désintérêt aussi total que sans appel, être rejetée, m'a toujours été particulièrement intolérable… À ce propos, cela me fait soudain penser à Adèle Hugo… Lorsque j'ai appris son histoire – vous avez peut-être vu le film « Adèle H » ? — j'ai été ébranlée, prise d'une énorme compassion envers cette pauvre jeune fille. Si amoureuse d'un jeune Anglais qui ne voulait plus d'elle et la fuyait tant qu'il pouvait, alors qu'elle le pourchassait partout de sa passion amoureuse…
N'hésitant pas à quitter la France pour l'Angleterre et à vivre à Halifax, parce qu'il s'y trouvait… Quelle ténacité… Quel courage… Quel amour, surtout ! Jusqu'à la folie ! C'est d'un pathétique si émouvant, si bouleversant, qu'il donne envie de pleurer quand on y pense…
— C'est certain !... l'interrompit Anaïs. Et ce que vous dites me fait aussi penser à Camille Claudel… Son histoire a également donné lieu à un film. Vous l’avez vu ?… Oui ? Vous savez donc que Camille et Adèle connurent un destin presque similaire et tout aussi dramatique… Et que Camille Claudel, éprise de Rodin, tout comme Adèle Hugo avec le jeune Anglais, fut repoussée par lui. Mais, bien qu'Adèle fût soutenue et aidée par son poète de père, ce qui ne fut pas le cas de Camille, qui se vit délaissée par sa mère et son écrivain de frère, toutes deux finirent leur vie de la même façon : dans la démence… Sans doute le saviez-vous...
Alors, voyez, elles aussi, comme nous, auraient eu de bonnes raisons de se suicider… Ne trouvez-vous pas ?
— Oui, certainement ! répondit madame de Lestrac. Mais la folie n'est-elle pas également une forme de suicide, où l'inconscient se précipite, se réfugie, pour échapper à la torture morale ?... Le monde est souvent si froid, si peu chaleureux ou carrément hostile parfois, qu'il est une des raisons de nos souffrances. Feu mon mari était professeur de philosophie… C'était l'un de ceux restés entièrement fidèle à Sartre, dont il était inconditionnel. Et j'ai toujours été parfaitement d'accord avec lui pour trouver qu'en effet, l'enfer, c'est bien souvent les autres… Sauf que, quand ils le veulent, ça peut être le paradis. Et le pire n'est-il pas que nous-mêmes, sans le savoir, sommes peut-être, quelque part, un enfer pour certains ?... Mais aussi, peut-être et heureusement, un paradis pour d'autres ?... Vous concernant, ce fut immédiatement réciproque ; J'ai ressenti tout de suite une sorte d'attirance pour votre personne. Sans doute parce qu'inconsciemment, vous représentez à mes yeux la fille que j'aurais voulu avoir… Je n'ai eu qu'un fils… Pourtant, je ne vous connais pas, mais il me semble assez bien vous connaître et je me trompe rarement. Il paraît que j'ai le don d'empathie… Enfin, c'est souvent ce qu'on me dit ! Ceci dit, j’avais, moi aussi, l'intention de vous inviter chez moi… Comme je quitte l'hôpital demain, j'attendrai donc votre appel avec plaisir. Je vous en remercie déjà.
— Comptez-y, chère madame ! s'écria joyeusement Anaïs, qui ajouta :
Et pour reprendre ce que nous disions, cela me conforte dans ce que j'ai toujours pensé… S'il y a absence d'amour, nous sommes perdus. Parce qu'il n'y a que lui qui rende beau et fort… Privés d'amour, ou ne sachant en donner, mêmes les plus grands esprits s’en trouvent amoindris....

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